Tocilizumab, molnupiravir, Calquence, dexaméthasone, Anakinra, anticorps monoclonaux... Les traitements contre le Covid, à l'étude ou désormais administrés, commencent seulement à pointer le bout de leur nez après plus d'un an de pandémie et une recherche qui tâtonne pour trouver LE médicament qui réglera son compte au virus. Des traitements d'appoint, pour le moment, permettant seulement d'éviter une aggravation des cas une fois hospitalisés ou pris en amont pour éviter d'en arriver à une intubation.
Et une recherche qui contrebalance avec celle des vaccins, qui, elle, a fait un pas de géant en peu de temps. Et pour cause : plusieurs produits sont d’ores et déjà sur le marché depuis le début de l'année et administrés partout dans le monde pour éviter l'émergence de nouveaux variants plus contaminants et plus mortels que ceux déjà répandus sur le globe. Mais pourquoi la recherche d'un traitement est-elle plus longue que pour celle d'un vaccin ?
Tout d'abord, il convient de préciser que pour contrer le virus, il faut en connaître la structure et ses faiblesses. C'est ainsi qu'une équipe de chercheurs de l'Institut Pasteur a réussi à en séquencer le génome en janvier 2020, donnant le détail de sa composition et ses failles pour lutter contre. Les coronavirus, "ce sont des virus à ARN, mais ils sont très singuliers, ils sont vraiment à part dans cette famille de virus à ARN parce que d'une part, ils ont des génomes très longs : 30 000 nucléotides", expliquait ainsi Isabelle Imbert, biologiste et enseignante-chercheuse à Aix-Marseille Université, dans un podcast du CNRS en mars 2020.
Et de poursuivre : "de manière générale, les virus à ARN ont une longueur de 10 000 à 12 000 nucléotides, donc le fait qu'ils aient un génome beaucoup plus long, ça fait que ça va complexifier le système". Un nombre de nucléotides bien supérieur qui implique qu'il y a plus de protéines de réplication, permettant au virus de se reproduire. Et "un terrain de jeu beaucoup plus complexe", selon la chercheuse, rendant plus difficile la recherche autour d'un traitement inhibiteur efficace.
"Leur talon d'Achille, c'est leur activité d'ARN polymérase ARN-dépendante", ajoute la biologiste. Elle continue : "Cibler cette activité enzymatique a largement fait ses preuves dans le monde de la virologie puisque maintenant on arrive à soigner les patients qui sont atteints du virus de l'hépatite C (un autre virus à ARN, NDLR), par un médicament qui cible en particulier cette activité à ARN polymérase ARN-dépendante (une enzyme qui synthétise des molécules d'ARN par copie de l'ARN, NDLR)". Et de conclure : "Arriver à comprendre comment la polymérase du Covid fonctionne, ça en fera une cible de choix, information qui pourra être récupérée par les gens qui sont dans le développement d'inhibiteur".
Pourquoi a-t-on trouvé un vaccin si vite, a contrario d'un traitement ? Parce que l'étude des coronavirus n'est pas nouvelle : en 2003 émergeait un autre virus proche du Covid que l'on connait actuellement, le SRAS-COV1. Un "cousin germain" qui fonctionne de façon similaire, et pour lequel des vaccins étaient déjà à l'étude, moins des traitements : "ces virus sont étroitement apparentés et appartiennent à la famille des coronavirus que l’on étudie depuis longtemps", expliquait ainsi le professeur Christian Rabaud, infectiologue au CHRU de Nancy, en décembre 2020.
Et de poursuivre : "Ils ont à leur surface des protéines similaires et utilisent les mêmes pour s’attacher aux cellules et y entrer pour les infecter. La plus importante étant la protéine Spike, qui est aujourd’hui la cible de la majorité des vaccins en cours de développement". Une recherche de vaccin qui a donc été adaptée à ce nouveau virus. Ajoutez à cela un investissement quasi illimité dans le développement d'un vaccin et vous avez un produit fiable et efficace rapidement, au bon vouloir tout de même de la sagacité des chercheurs et des résultats des essais cliniques.
Qu'il s'agisse d'un vaccin à ARN messager ou vecteur viral, son mécanisme global, lui, reste le même : inciter la création d'anticorps dans l'organisme avant contamination pour que, une fois que le virus entre dans le corps, soit éliminé sans qu'il ait pu avoir le temps de de répliquer. Les traitements, eux, ont un mécanisme différent d'une maladie à une autre, ceux-ci s'attaquant différemment au virus, une fois en développement dans l'organisme, d'où la complexité d'en trouver un rapidement, à moins d'un coup de chance.
Autre point concernant la recherche d'un traitement : "le temps de la recherche et du développement de médicaments est long", explique de son côté le Professeur Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale de l’Université de Genève, à nos confrères d'Atlantico. Et de poursuivre : "Le développement de nouvelles molécules est très long, on estime qu’il est en moyenne de l’ordre de dix ans et nous ne sommes qu’à dix-huit mois de pandémie !".
La stratégie visée pour gagner du temps, "repositionner d’anciennes molécules, prescrites pour d’autres maladies, sur le traitement de la COVID-19", ajoute le professeur, "soit parce que ces molécules manifestaient un pouvoir antiviral sur des cellules infectées en laboratoire, soit pour leurs propriétés anti-inflammatoires, en sachant que les complications graves de la COVID-19 sont souvent liées à une tempête inflammatoire de l’organisme infecté".
Mais cette stratégie à ses limites : "force est de constater que la stratégie de repositionnement n’a pas été couronnée de succès jusqu’à présent et que peu de molécules ont montré des bénéfices clairs pour les patients, à part comme nous l’avons signalé la dexaméthasone", explique également Antoine Flahault.
Ce n'est pas parce que la recherche d'un traitement prend plus de temps que certaines molécules n'ont pas déjà donné des résultats. Ainsi, la dexaméthasone, un anti-corticoïde, a de très bons résultats sur la sur-inflammation des poumons causée par le Covid, le fameux "choc cytokinique". Une molécule qui traite un symptôme, celui entraînant les détresses respiratoires et dans la plupart des cas, la mort, donnant du temps à l'organisme de combattre tout seul le virus.
Autre traitement prometteur, les anticorps monoclonaux, désormais autorisé par le régulateur européen pour aider à traiter la maladie dans les services Covid des hôpitaux. Mais problème : ces traitements coûtent très chers, d'où la nécessité de continuer la recherche d'autres moyens de lutter contre la maladie.
Et d'autres traitements sont ou vont entrer en phase d'essai clinique. On pense par exemple au Xav-19, un anticorps polyclonal développé par la biotech nantaise Xenothera : "Notre produit est maintenant en essai de phase 3. Si tout se passe bien, il pourrait être autorisé et utilisé dès cet automne", explique ainsi Odile Duvaux, la patronne de la biotech, à nos confrères du Monde.
Une recheche qui se veut tout de même optimiste : "On sait aujourd’hui mieux réparer les dégâts causés par le virus, par exemple, en utilisant la dexaméthasone, un anti-inflammatoire, mais il n’existe pas encore sur le marché de traitement qui s’attaque directement au virus. La recherche a beaucoup progressé cependant, et on a bon espoir de voir arriver plusieurs médicaments au cours des six prochains mois", indique de son côté Bruno Canard, directeur de recherche au CNRS à l’université Aix-Marseille, toujours à nos confrères du Monde.
Une bonne nouvelle, donc, et des traitements qui viendront compléter l'arsenal des vaccins. Et pour poursuivre sur le sujet :
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