Clarisse Crémer est devenue le visage féminin marquant de la 9e édition du Vendée Globe. Il faut dire que "ClaCla", comme certains la surnomment, n’a pas fait les choses à moitié pour sa toute première participation à la course à la voile en solitaire autour du monde. La jeune femme a réussi à boucler l'Everest des mers en 87 jours, 2 heures, 24 minutes et 25 secondes, à bord de l'IMOCA de Banque Populaire.
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Arrivant 12e au classement final et 1ère des six femmes en course de cette 9e édition du Vendée Globe, Clarisse Crémer a par la même occasion battu un nouveau record, détenu jusqu’ici par la Britannique Ellen MacArthur. À 31 ans seulement, la jeune skipper est désormais la femme la plus rapide de la course, toutes éditions confondues. Une performance qu’elle doit à ses entraînements aux côtés d'Armel Le Cléac'h (vainqueur de la 8e édition du Vendée Globe), à ses nombreuses connaissances, mais aussi à sa force de caractère bien qu’elle ne se considère pas comme une « warrior » dans la vie de tous les jours. « Quand j’ai un objectif en tête, ça me décuple des forces physiques et mentales qui m’impressionnent tous les jours. Puis sur l’eau, on ne se laisse pas la possibilité d’échouer. Et quand on est dans cet esprit-là, on soulève des montagnes » explique-t-elle.
La course au grand large : « je me suis fait happer par une passion »
La montagne justement, Clarisse ne l’a que très peu fréquentée dans sa jeunesse. Bien qu’elle ait grandi à Saint-Cloud dans les Hauts-de-Seine, la navigatrice s'est toujours sentie proche de la mer, « son endroit ressource » dit-elle. « J’ai eu la chance d’avoir des grands-parents qui habitaient soit à Toulon, soit dans les îles Anglo-Normandes, soit dans le Morbihan, en Bretagne. On n’avait pas de bateau, mais on allait toujours se baigner, même quand l’eau était à 12°, ou bien se promener sur les ports, regarder les bateaux… De manière générale, j’ai toujours été très nature, et grandi avec cette idée que la mer était jolie ». Si la jeune francilienne découvre la voile durant les périodes de vacances scolaires, la passion lui viendra bien plus tard.
Après son diplôme HEC décroché en 2013 et la création de la start-up Kazaden.com avec son frère en 2014, Clarisse a « un passage à vide ». Elle décide alors de rejoindre en Bretagne celui qui deviendra par la suite son mari, le skipper Tanguy Le Turquais. Au départ, ce déménagement au bord de la mer s’est fait « sans suite dans les idées ». Mais son projet de transatlantique en solitaire sur un petit bateau de 6,50m fin 2015 a tout changé. « J’ai mis un doigt dans un engrenage. Plus j’apprenais, plus je devenais performante, plus j’aimais ça » explique-t-elle.
Cette passion pour la course au large s’est transformée au fil du temps, devenant bien plus qu’une parenthèse dans sa vie. « Je suis devenue mordue, je me suis fait happer par une passion » avoue-t-elle, jusqu’au jour où Banque Populaire est venue la chercher pour lui proposer la grande aventure du Vendée Globe. « Une chance totalement inouïe dans une vie de marin », surtout après seulement 5 ans d'expérience dans le monde de la voile professionnelle.
C'est en 2017 que Clarisse plonge dans la grande aventure au large avec pour débuter la Mini-Transat ; une première course couronnée de succès puisque la navigatrice montera sur la 2ème marche du podium. Puis, ClaCla enchaîne les épreuves en mer avec la Solitaire du Figaro, suivie de la Transat Jacques-Vabre, et le Tour Voile, avant la redoutée course autour du globe, en solitaire, sans assistance et en totale autonomie. Un sacré défi pour la Francilienne qui apprend très vite et ne lâche rien !
« Il y a des moments durs, qui font partie de l’aventure, mais il faut les accepter »
Malgré ce peu de bagages nautiques, Clarisse se lance donc dans le grand bain. Mais tout n’a pas été si facile une fois en mer. « Il y a eu des moments de passage à vide psychologiquement », comme les cinq premiers jours durant lesquels elle n'arrivait pas à rentrer dans la course. Le passage du Cap Horn a également été suivi d’un « gros coup de mou », sans parler de la remontée de l’Atlantique où Clarisse a cru que c’était fini après que son bateau ait pris l’eau. Autant d’épreuves qu’il a fallu surmonter. Son secret ? La persévérance et le goût de l’effort. « Il y a des moments durs, qui font partie de l’aventure, explique-t-elle, faisant notamment référence au manque de sommeil, au manque d’hygiène, au bruit permanent, mais il faut les accepter ».
Pour autant, la skipper n’a pas souffert de la solitude pendant ses 87 jours en pleine mer. Au large, la jeune femme savoure ses nombreux moments de contemplation, vit l’instant présent, pense aux gens qu’elle aime, se plonge dans ses souvenirs et s’octroie quelques « jeux mentaux ». Et la navigatrice partage plusieurs de ses délicieux instants avec ceux restés à terre. Très active sur les réseaux sociaux, Clarisse n’a pas hésité à poster plusieurs vidéos, au ton souvent humoristique. De son anniversaire célébré à bord de son monocoque de 19 mètres, à sa passion pour les pamplemousses en passant par des chansons improvisées, la benjamine de la flotte féminine en a fait rire plus d’un(e) lors de ce Vendée Globe.
La voile pro, un sport mixte mais qui reste encore majoritairement masculin
Derrière ce visage pétillant et cette bonne humeur débordante, se cache une compétitrice hors pair. « J’ai du mal à accepter que les autres arrivent à faire quelque chose que je n’arrive pas à faire ». Alors, Clarisse apprend très vite et prend des risques là où d’autres botteraient en touche. La jeune femme a en effet osé se lancer dans un milieu qui reste encore à ce jour majoritairement masculin.
Même si la navigatrice souligne que la voile pro reste un sport mixte, seulement 6 femmes sur 33 skippers figuraient au départ de cette 9e édition du Vendée Globe. Mais cette tendance n’est pas directement liée à la course au large. Ce constat se vérifie pour l’ensemble du monde de la mer, qu’il s’agisse de la marine marchande, ou bien de la marine militaire. « Quand on regarde de plus près, qui s’occupe des manœuvres du port ? Ce sont tout le temps des hommes » insiste la skipper. Et puis, revient cette éternelle question des enfants. « La voile, c’est une carrière longue, donc il n’y a pas cette notion de ‘Je fais ma carrière, puis je fais des enfants’. Il suffit de regarder le pourcentage de femmes qui ont des enfants sur les 6 femmes du Vendée Globe. C’est assez parlant ! » confie-t-elle.
Malgré tout, la skipper avoue n’avoir pas trop souffert de misogynie dans son parcours. « Mais il y a des cases desquelles on a du mal à sortir ». Si Clarisse ne se considère pas comme un symbole féminin du Vendée Globe, elle n’est pas contre l’idée de servir "d’illustration" auprès de petites ou jeunes filles qui n’oseraient pas se lancer. L’important est d’accepter la part d’incertitudes. « Même si je n’aime pas faire de généralités sur les femmes, j’ai ce sentiment que l’on se sent souvent moins légitime en tant que femme, avec un manque de confiance en soi. Mais avoir des doutes peut aussi être une manière de progresser, de se remettre en question et d’apprendre plus vite que certaines personnes sûres d’elles. Il faut accepter de ne pas contrôler tous les paramètres » conclut-elle.
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