Quel drôle de tandem que celui-ci : un président et son petit-fils, tous deux vêtus d'uniformes officiels, la tête coiffée et l'air solennel. Le film s'ouvre sur une scène particulièrement absurde où le président montre au petit garçon qu'avoir du pouvoir, c'est super, regarde, je peux éteindre toutes les lumières de la ville. Et les rallumer ? Tiens, ça ne marche pas, que se passe-t-il ? Pourquoi les lumières ne se rallument-elles pas ? Ainsi, l'obscurité donne le ton du film, tissé d'angoisse et de fuite en avant.
Le président est chassé du pouvoir et renvoyé du palais. Les portraits de lui, omniprésents dans la ville et dans les maisons, sont brûlés. La guerre civile s'installe, les cadavres s'accumulent. Le président n'a qu'un seul espoir, atteindre la mer où un bateau viendra le chercher. Seul avec son petit-fils, ils se déguisent et se retrouvent à fuir avec les pauvres gens, anciens prisonniers ou prostituées, que le président a mis dans la misère à cause de sa politique haineuse.
Notre avis sur le film :
Le trait de génie du film est le personnage du petit-fils : trop jeune pour être gangréné par l'argent et le pouvoir, il porte un uniforme mais n'est qu'amour et tendresse. Certes plus habitué à danser dans les salles dorées du palais qu'à endurer, comme ses congénères, le dur quotidien du travail à la chaîne, il n'en est pas moins charmant : à côté de son visage d'ange, tout paraît absurde et violent. Étrangement, son lien avec l'horrible président-dictateur oblige le spectateur à redouter la disparition de celui-ci, pourtant toujours plus détestable au fil du film. Incarné par le tout petit Dachi Orvelashvili, le jeune garçon est l'image même de la candeur et du courage.
Autour de lui, le sang et la perte hurlent à chaque coin de rue. Dans ce pays désertique où toutes les maisons sont en ruines, chacun a subi l'injustice et l'intolérance du pouvoir. L'image est un camaïeu de couleurs poussiéreuses, dans lequel se fond le président déguisé en musicien de rue, couvert de haillons et ballotté dans un voyage chaotique. Sur leur route, des prisonniers, des femmes violées, des prostituées, des blessés, des torturés... Et une poignée d'épisodes qui sont comme des épines et saisissent le cœur.
Fable dramatique et pourtant tendre, Le Président dénonce avec justesse l'influence du pouvoir politique sur les aspects les plus intimes de la vie des citoyens : provoquant des séparations et des suicides, le président se rend petit à petit compte de l'immensité du mal provoqué par son autorité. Porté par un duo d'acteurs exceptionnels, Le Président marque par sa réalisation soignée et l'intelligence de son propos, notamment dans à travers un final tragi-comique extrêmement bien mené.
Bande-annonce :
Informations pratiques :
Le Président
En salles le 18 mars 2015