Leopardi ne ressemble pas à un léopard, mais à une grenouille : bossu, malade, Giacomo Leopardi souffre d'avoir trop étudié dans la pénombre de la bibliothèque parentale. De son savoir immense, il tire une œuvre poétique d'une grande finesse. On le dit pessimiste, il n'est que malheureux. On le dit amoral, il n'est que plaisirs. Défiant les médecins en se gavant de sucreries (il est mort d'une indigestion de glaces et de bonbons), Leopardi est, malgré son apparence monstrueuse, une ode à la beauté.
Leopardi - Il Giovane Favoloso raconte son histoire avec majesté. Le réalisateur Mario Martone est un esthète et se confronte au poète en artiste, à la manière de Bertrand Bonello s'attaquant à Yves Saint-Laurent. Les premiers temps du film montrent Leopardi enfermé dans sa bibliothèque, regardant le monde à travers sa fenêtre. Ce motif de la fenêtre rappelle les dessins du plus romantique des peintres romantiques, Caspar David Friedrich (image ci-dessous) : enfermé dans un monde spirituel, le peintre et le poète regardent l'extérieur teinté d'une lumière particulière, celle de leurs impressions esthétiques.
Ainsi, Leopardi - Il Giovane Favoloso nous place dans l'esprit de Leopardi, sans pour autant lui coller aux pattes : se détachant parfois de lui pour s'envoler dans des images lumineuses de l'Italie, le film est à l'image de ses poèmes, éloges désespérés de l'Italie antique, l'Italie grandiose et lumineuse aux vallons dorés. Le musicien allemand Sascha Ring ajoute à ces paysages une musique électronique tremblante tissées de sonorités quasi-religieuses, qui emporte le spectateur dans un délire esthétique complet : il y a l'image, belle à mourir (on pense au titre de la célèbre exposition "Voir l'Italie et mourir"), la musique, absolument planante, et la langue de Leopardi, chantante des mille feux de son désespoir.
Pour incarner Leopardi, le comédien Elio Germano nous a expliqué (lire notre interview ici) qu'il avait voulu jouer entre le monstrueux et l'infiniment doux : on sait que Giacomo Leopardi avait une voix très douce, envoutante, ce qui a donné à l'acteur l'idée de jouer avec cette dualité entre le laid et l'agréable. Se courbant presque jusqu'au sol pour figurer la maladie envahissante, Elio Germano parvient à trouver le sublime derrière la grimace, faisant de cette performance certainement le plus grand rôle de sa vie.
Leopardi - Il Giovane Favoloso est un film louable à bien des égards (par exemple pour son époustouflant final alliant le plus beau poème de Leopardi, Le Genêt, aux images d'un volcan en éruption), mais sa plus grande qualité est sans doute de faire connaître intimement un poète grandiose dont on a envie, dès le jour retrouvé en sortant de la salle de cinéma, de lire les poèmes pour ne plus jamais le quitter.
Bande-annonce :
Informations pratiques :
Leopardi - Il Giovane Favoloso
En salles le 8 avril 2015