Fin août, un comité piloté par Technopol avait été reçu au ministère de la Culture afin de rappeler au gouvernement l’importance des musiques électroniques dans le milieu culturel ainsi que ses spécificités. « La fête a un intérêt sociétal majeur. Le monde des musiques électroniques, ce n’est pas uniquement danser et faire la fête. Ici, on parle bien de culture et de musique. Et la place des musiques électroniques est bien au ministère de la Culture » nous confiait alors à l’époque Kevin Ringeval de Technopol. Depuis, les choses ne semblent pas vraiment avoir évolué dans le bon sens.
Lundi 26 octobre 2020, Laurent Garnier a publié sur son site internet une lettre adressée à Roselyne Bachelot, ministre de la Culture justement.
« C’est étrange, mais à la fin de votre discours le 22 octobre dernier sur France 2, j’ai eu la fâcheuse impression de ne pas avoir été concerné par vos annonces », commence alors le dj et producteur français.
Dans un style au ton ironique, Laurent Garnier lance un véritable message d’alerte afin que le gouvernement vienne en aide au monde de la nuit et des musiques électroniques. « En tant que Officier des Arts et des Lettres, Chevalier de la Légion d’Honneur (remise par un ex-ministre de la culture qui a saisi de longue date la place éminente de la nuit dans le vaste espace de la culture et de la création) et DJ globetrotter (comme d’autres artistes de notre pays, je fais indirectement rayonner la France depuis plus de 30 ans à l’étranger) je pensais bêtement que les choses avaient évolué et qu’avec mes petits camarades platinistes nous avions dignement gagné notre statut et notre ticket d’accès au « monde de la culture ». Mais force est de constater qu’apparemment ce n’est toujours pas le cas » poursuit-il dans sa lettre.
Expliquant que les salles de cinéma, les théâtres et certaines salles de concerts ont pu rouvrir « malgré un protocole sanitaire compliqué », Laurent Garnier rappelle que depuis le mois de mars, le secteur « de la nuit et des clubs » est pour sa part totalement à l’arrêt. « Pour nous la fête est terminée, et ce depuis maintenant huit longs mois », insiste-t-il.
« Le manque flagrant de considération, l’ignorance émanant de votre ministère envers le secteur de la nuit et des clubs est clairement interprété par beaucoup d’entre nous comme une forme de mépris incompréhensible. Car que vous le vouliez ou non, les clubs et les lieux de cette culture nocturne étaient (quand ils étaient ouverts) des endroits bouillonnant de création, d’imagination et de partage » rajoute Laurent Garnier qui termine en indiquant ne plus savoir s’il est un « artiste du spectacle mort » un « artiste de l’intérieur », ou « pas un artiste du tout ».
Les prises de parole pour défendre le secteur de la nuit se multiplient ces derniers jours. Libération a publié lundi une tribune de Vincent Carry, directeur d'Arty Farty, sous le titre "La nuit est un espace de culture, de création et d’effervescence démocratique". Il y dénonce notamment le rattachement des "acteurs de l’espace artistique de la nuit" au ministère de l’Intérieur et aux préfets. "Depuis longtemps, les acteurs du secteur nocturne ont accepté avec fatalisme, parfois avec résignation, que leur travail soit considéré à travers le seul prisme de la sécurité, de l’hygiène, de la santé publique. Il s’agit là d’une erreur historique et d’une immense injustice", écrit-il.