La chloroquine n'en finit pas de faire débat dans la lutte contre le coronavirus... Après plusieurs études américaines, mais également françaises et chinoises, le journal médical The Lancet publiait le 22 mai 2020 une étude britannique concordante avec les précédentes et démontrant l'inefficacité du traitement contre le Covid-19. Une étude remise en doute jeudi 4 juin 2020 par trois de ses auteurs, après que le journal ait décidé de prendre ses distances quelques jours auparavant, expliquant que "d'importantes questions" planaient au-dessus d'elle.
Ce qui fait polémique ici, ce ne sont pas tant les analyses des données figurant dans l'étude, mais leur provenance... "Nous ne pouvons plus nous porter garants de la véracité des sources des données primaires" ont ainsi indiqué les trois auteurs dans un billet publié dans le journal médical. Et de poursuivre en expliquant avoir voulu faire un audit "indépendant" sur leurs résultats et l'origine des données. Un audit qui est finalement tombé à l'eau jeudi 4 juin, Surgisphere, la société qui a fourni ces données, ayant refusé de les communiqués, invoquant des accords de confidentialité avec ses clients.
"Il y a encore des questions en suspens sur Surgisphere et les données prétendument intégrées dans cette étude" ajoute de son côté la revue qui avait publié mardi 2 juin un avertissement sous forme de "expression of concern", comme nous l'expliquaient nos confrères du Point, à savoir une "déclaration formelle employée par les revues scientifiques pour signifier qu'une étude pose potentiellement problème".
Pour rappel, cette étude controversée expliquait, données à l'appui, les effets néfastes de l'hydroxychloroquine en tant que traitement contre le Covid-19. Des résultats qui allaient dans le sens des précédents essais, à savoir que la prise de chloroquine, en plus d'être inefficace, est risquée pour les malades.
Cette étude comprenait au total 96 032 patients dans 671 hôpitaux à travers le monde, et a analysé les effets du traitement sur différents groupes de malades. Parmi ceux-ci, 14 888 ont été traités soit à la chloroquine (1868 patients), soit à l'hydroxychloroquine (3016 patients), soit à un cocktail de chloroquine et d'un macrolide (3783 patients), soit à un cocktail d'hydoxychloroquine et d'un macrolide (6221 patients). Les 81 144 restants ont intégré le groupe témoin. Et les résultats sont sans appel : après contrôle de plusieurs facteurs confondants (âge, sexe, origine ethnique, maladie cardiovasculaire, tabagisme, etc.), le taux de mortalité a oscillé entre 16,4% et 23,8% pour les groupes traités, contre 9,3% pour le groupe témoin, bien plus nombreux.
Une surmortalité que l'étude explique par l'apparition d'effets secondaires graves, principalement cardio-vasculaires, et en particulier "un risque accru d'arythmie ventriculaire", comme l'expliquent les auteurs de cette étude. Un risque d'arythmie que les médecins ont en particulier constaté dans le groupe traité au cocktail hydroxychloroquine/macrolide (un antibiotique, ndlr), avec une mortalité comprise entre 4,3, et 8,1%. Pour les autres malades du groupe traités, ce taux s'élève seulement à 0,3%.
En France, cette étude n'a pas échappé à Olivier Véran. le samedi 23 mai 2020 au lendemain de sa publication, le ministre de la Santé annonçait dans un tweet vouloir revoir les règles de prescription de la chloroquine comme traitement contre la Covid 19.
Aujourd'hui, le ministre va plus loin en demandant dans un courrier à la revue "une relecture des données brutes telles qu'elles avaient été livrées". Une information rapportée le 3 juin par la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye.
De son côté, l'OMS annonçait également suspendre les essais cliniques autour de ce traitement jusqu'à nouvel ordre. A noter également que The Lancet n'est pas la seule revue à remettre en cause les données de l'étude, puisque comme nous l'explique nos confrères de Courrier International, The New England Journal of Medicine a également annoncé dans la foulée émettre une mise en garde.
Un traitement qui, malgré ces résultats, continuera de faire débat au sein de la communauté scientifique. Les yeux se tournent donc désormais vers l'élaboration d'un vaccin, meilleur espoir pour éradique le coronavirus.