Une question qui déchire les scientifiques, épidémiologistes et politiques... Pour lutter efficacement contre la Covid, faut-il tester massivement la population française ? Du côté des politiques, ce n'était pas la stratégie à adopter, mais il se pourrait qu'un revirement soit d'actualités. Et pour cause : la région Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé lancer dès le 16 décembre 2020 une campagne massive de dépistage sur son territoire, pour sa population. Même chose pour l'agglomération de Lille-Roubaix, qui se lance sur ce chemin-là, comme le rappellent nos confrères de LCI.
Une évidence, en tous les cas, pour Philippe Amouyel, épidémiologiste et professeur de santé publique au CHU de Lille : "La meilleure façon de tester, c’est de tester l’ensemble de la population dans la mesure du possible. Idéalement, il faudrait le faire avant le 24 décembre", explique-t-il, toujours à nos confrères de LCI. Et de poursuivre : "Dans tous les cas, ça permet réellement de réduire le nombre de cas circulant. Si par exemple on ne trouve que deux asymptomatiques sur trois, c’est bien mieux que de laisser courir trois asymptomatiques dans la population".
Un avis que partageait déjà Catherine Hill, épidémiologiste et biostatisticienne, en octobre dernier, également chez nos confrères de LCI : "on a laissé le virus circuler, on a confiné sans tester ou en testant très peu [...]. Ce qu'il faut faire, c'est essayer d'arrêter cette circulation, et pour ça il faut tester et isoler très rapidement les cas positifs dont beaucoup sont complètement asymptomatiques, donc il faut organiser un dépistage de masse de la population", indiquait-elle. Et de conclure : "Tant qu'on ne fait pas ça, le virus circule, voilà pourquoi le cafouillage continue, on a eu le cafouillage des masques, maintenant on a le cafouillage des tests".
Du côté du gouvernement, ce n'était pas une solution il y a encore quelques semaines. La raison avouée à demi-mot : pas assez de tests, et un stock de réactifs limité. Une situation sur laquelle a voulu alerter le syndicat des biologistes dans un communiqué le 9 septembre dernier, comme le rapportent nos confrères de L'Usine Nouvelle, après que le gouvernement ait demandé aux Français de se faire tester massivement : "Hormis quelques groupes ou laboratoires qui ont réussi et pu constituer des stocks suffisamment importants de réactifs, les autres sont mis sous tension par l’allongement des délais de livraison. Nous en sommes aujourd’hui à près de quatre semaines", expliquait le SDB. Et de poursuivre : "Certains fournisseurs de réactifs n’arrivent pas à suivre et de nombreux laboratoires sont en pénurie de réactifs donc menacés d’arrêter brutalement toute activité de PCR Covid".
Autre problème logistique, le manque de machine permettant d'analyser les échantillons, et créant des délais qui s'allonge de plus en plus pour obtenir ses résultats. "Dans certains cas, il faut plusieurs jours avant de pouvoir effectuer le test. Ces délais sont incompatibles avec des nouvelles contaminations", expliquait le syndicat. Et de continuer : "À mesure que la demande augmente, il ne faut pas passer à côté des situations les plus à risque : les personnes souffrant de symptômes, les cas contacts et les professionnels qui travaillent en contact avec des personnes potentiellement vulnérables. Nous devons leur assurer un accès rapide aux tests".
La mise en circulation sur le marché des tests antigéniques a donc changé la donne : "on a encore en tête ces images du mois de septembre, ces files d’attente interminables devant les laboratoires, les temps d’attente pour avoir les résultats, cinq, six jours, si ce n’est plus, sauf que là, les médecins, ce qu’ils nous disent, c’est que ça a changé maintenant parce qu’on a les tests antigéniques. On peut se passer du test PCR très très long. C’est une question de volonté politique", souligne de son côté Philippe Amouyel au micro de LCI.
À noter que certains pays ont déjà sauté le pas, comme la Slovaquie, qui a pu tester les deux tiers du pays en trois week-ends. Au total, 38 000 cas positifs détectés, soit 1% de la population, puis une baisse du nombre de cas après dépistage et isolement. Même chose pour l'Autriche, qui a prochainement prévu de tester 9 millions d'habitants.