Après le feuilleton de la 5G de Huawei, la série "entreprises chinoises blacklistées" continue avec Tiktok aux USA. Après que Donald Trump ait annoncé à des journalistes mardi 4 août qu'il comptait bien bannir l'application chinoise de vidéo du territoire américain, le président américain passe maintenant aux actes. Trump a signé le 6 août 2020 deux décrets à l'encontre de TikTok, propriété de ByteDance, ainsi que WeChat, filiale de Tencent, interdisant toute transaction "des personnes sous juridiction américaine" d'ici 45 jours avec les applications chinoises.
Pour le président des États-Unis, il en va de la sécurité nationale : les données collectées seraient utilisées par le gouvernement chinois pour de l'espionnage. Aussi, Trump n'hésite pas à parler "d'urgence nationale" au sujet du danger que représentent à ses yeux les deux applications, qu'il accuse sans aucune preuve d'espionner ses utilisateurs américains dans le but de ramener des informations au gouvernement chinois.
Concrètement, les décrets signés par le président américain n'indiquent rien des conséquences pratiques. Mais l'interdiction de transaction devrait forcer les géants américains comme Google ou Apple à retirer les deux réseaux de leurs magasins d'applis aux États-Unis. Dans le même temps, Trump a accepté la possibilité qu'un groupe américain rachète TikTok avant le 15 septembre. Microsoft a déjà affiché son intérêt et entamé des discussions.
D'ailleurs, Trump n'a pas hésité à réclamer une "proportion importante" du prix de la transaction en versement à l'État, qui rendait ainsi possible une telle manœuvre. En réponse, Pékin ne s'est pas gêné pour accuser là une "manipulation politique" et "intimidation" de la part des États-Unis à son encontre.
La porte-parole de Tiktok aux États-Unis, Hilary McQuaide, a tenu à rassurer les Américains en précisant que "les données des utilisateurs américains de Tiktok sont stockées aux États-Unis, avec des contrôles stricts sur les accès donnés aux employés". La firme aurait même été jusqu'à proposer de publier son code source et offrir de nombreuses garanties pour rester actif aux USA. "Toute l'industrie est examinée de près, et avec raison. En raison des origines chinoises de l'entreprise, nous sommes examinés d'encore plus près. Nous l'acceptons et relevons le défi", détaillait le 1er aout Kévin Mayer, le patron de TikTok US.
Dans une vidéo à l'intention des utilisateurs publiée sur TikTok le 1er aout, Vanessa Pappas déclarait de son côté : "Nous sommes ici pour rester. Nous avons entendu votre déferlement de soutien et nous voulons vous dire merci. Nous n’avons pas l’intention de partir." La responsable de la branche États-Unis de TikTok s'est également dite "fière" des 1500 employés américains et promet de créer "10 000 emplois additionnels dans le pays au cours des trois prochaines années."
Il y a quelques jours encore, Donald Trump souhaitait interdire purement et simplement l'application et cherchait une voie pour y arriver. Si certains s'interrogeaient alors sur la capacité du président à interdire une telle application, il avait tout simplement répondu "et bien, j'ai cette autorité". Selon les observateurs, c'est une loi sur l'urgence économique qui permettrait au président de prendre la main sur la question.
Mais le 3 aout, le président américain s'est ravisé et a déclaré que l'application "fermera le 15 septembre à moins que Microsoft ou une autre entreprise (américaine) soit en mesure de l'acheter et de trouver un accord". Et de préciser : "Les États-Unis devront recevoir un pourcentage conséquent du prix, parce que nous rendons ce succès possible. C'est comme pour un propriétaire et un locataire: c'est le bail qui donne la valeur. Nous sommes le bail, en quelque sorte."
Pour rappel, Tiktok est déjà banni d'Inde depuis le 30 juin 2020 pour "assurer la sécurité et la souveraineté du cyberespace indien". L'application compte 800 millions de membres actifs dans le monde, pour plus d'un milliard de téléchargements.