"Ça pourrait être une affaire dans un village, mais c'est au quartier Montorgueil ! La proximité, le contact... on crée des liens ! C'est ce qui fait partie de la vie d'un restaurant : vous pouvez venir à 17h, deux qui sont là, ils mangent une côté de bœuf, d'autres des gâteaux : ce qui est beau c'est qu'il y a de la vie, c'est vivant."
Les Artizans, c'est la fusion de deux artisanats : la pâtisserie et de la cuisine de qualité. C'est l'histoire de la gourmandise, couplée à de la rigueur le tout mêlé dans des guets-apens des tablées de copains, du quartier ou d'ailleurs. C'est la réussite, depuis 8 ans maintenant, d'un duo de chefs épicuriens : Mathieu Mandard, Chef Pâtissier, co-fondateur et gérant avec Patrick Canal du restaurant Les Artizans.
L'un, Mathieu, est né à Marseille et a grandi en Savoie, et témoigne un parcours classique de pâtisserie, apprentissage, CAP Pâtissier. Il réalise ensuite un tour de France "parmi deux trois références qui sont meilleurs ouvriers de France dans la pâtisserie" : Chez Patrick Chevalot à Val d'Isère, ou Philippe Segond à Aix-en-Provence. Cela le mène au Georges V à Paris, où il y remporte le Championnat de France des desserts en 2004, pour partir en Russie, ouvrir le Café Pouchkine avec Emmanuel Riou à Moscou, où il reste trois ans. Enfin, il s'est installé en France, où il a ouvert ma première pâtisserie qui s'appelle Art Macaron et puis il y a 8 ans, les Artizans.
L'autre, Patrick, chef Cuisinier est catalan, des Pyrénées. Il déclare aussi un parcours classique d'apprentissage, suivi de 20 ans dans les restaurants gastronomiques : hôtels, palaces, restaurants étoilés. S'en suit un cursus de bistrots à Paris. Puis d'une affaire à l'autre, il s'est installé rue de Tournon dans le 6ème où il a tenu une gérance pendant 7 ans, jusqu'à ce qu'il croise le chemin de Mathieu.
Et c'est comme cela que l'idée du restaurant leur est venue, Patrick avait son affaire rue de Tournon, Mathieu était juste derrière le jardin du Luxembourg, boulevard du Montparnasse. Un ami en commun les a présentés, et Mathieu a proposé de faire les desserts pour le restaurant - le café Tournon, et de fil en aiguille, à la fois la pâtisserie était trop petite pour Mathieu qui avait envie de faire autre chose, et Patrick cherchait également d'autres projets. Les voilà rassemblant les deux métiers en un lieu.
Le concept des Artizans
"On l'a appelé les Artizans, car la pâtisserie et la cuisine, ce sont deux métiers d'artisanat. On l'a écrit avec un Z pour la première étymologie du mot, en vieux-français, les mots Payzans, Artizans... s'écrivaient avec un Z. C'est aussi pour ça qu'on a choisi la couleur bleue pour le restaurant, le bleu des artisans."
Sur l'emplacement, au 30 de la rue Montorgueil, niché entre le 1er et le 2ème arrondissement, les deux chefs expliquent "c'était un pur hasard mais en fait ça a été très long : ici on a bataillé pendant plus de deux ans pour avoir le lieu. On cherchait partout, il fallait un lieu où il y avait deux labos, assez grand pour accueillir les deux activités. Ici ça nous a plu pour la rue qui est belle et passante (parfois sale, rires)." On a 55 couverts en bas, Salon en haut 30, terrasse pour une grande douzaine de places.
Valeur ajoutée...
Les deux maîtres ce sont les mots Gourmandise et Régularité : la régularité de la gourmandise, sucrée comme salée. Mais aussi la rigueur, dans les matières premières, et dans la cuisine, comme si on cuisinait à la maison. Et le guet-apens !
...Le lien humain
On est tout le temps là, c'est la vie d'un restaurant, énormément de gens viennent pour nous voir. On n'est pas détaché de l'affaire, on a un côté libre mais on passe tous les jours ici. Si on n'est pas là le matin on est là à midi pour partir à 14h revenir le soir. En 8 ans on a crée des liens avec beaucoup de clients qu'on ne connaissait pas, alors quand on reçoit un texto qui dit, "on est là ce soir", on se force pas à venir les voir !
On a trop maintenant de ces clients emblématiques, de guet apens ! On arrive à 14h la journée est bien, plein de travail mais le lendemain on n'a rien fait : il suffit qu'il y ait une table de furieux, de 4 qui se transforme en table de 20 et dure jusqu'à 19h, un énergumène qui arrose le plafond (ndlr, une tache de champagne était présente au plafond), ça tache pas le champagne (rires). C'est la vie d'un lieu ! Ça pourrait être une affaire dans un village ou ville, le quartier Montorgueil, tous ceux qui adorent le quartier nous connaissent, on fait la même chez les autres, et des copains de corse qui arrivent à 14h et on fait 6h de table : on fait le guet-apens constant !
C'est nous qui l'avons voulu, un restaurant comme un village, la proximité et le contact on crée des liens, c'est ce qui fait partie de la vie d'un restaurant : vous pouvez venir à 17h, deux qui sont là, ils mangent une côté de bœuf, d'autres des gâteaux : ce qui est beau c'est qu'il y a de la vie, c'est vivant.
C'était aussi un choix lié à la diversité de la clientèle dans le quartier Montorgueil ?
"C'était le pari ici : on ouvre une affaire pour une cuisine authentique de bistro et une belle qualité sur les desserts, et à la fois, on s'installe dans une rue où il y a beaucoup d'affaires de restauration qui tournent autour du tourisme et donc plus une gastronomie internationale."
"Quand on est arrivés, on était les plus chers de la rue et tout le monde nous disait c'est trop cher, qu'on n'allait pas s'en sortir, on a dit on verra bien ! on est arrivés avec une offre vraiment différente : à la rigueur dans le quartier le seul qui peut se rapprocher de ce que l'on fait, a une offre et un prix comparable finalement c'est l'Escargot, ce qui est quand même différent."
"Au début comme toute affaire, on a pris un an à lancer la machine comme il faut mais 8 ans après je pense qu'on a un panel de clients différents assez sympa : les habitants du 1er, et il y en a encore qui nous découvrent, on a beaucoup de touristes étrangers qui viennent, et après on a les touristes de province qui montent. Après on a aussi un beau réseau dans le rugby, donc dès qu'il y a un match à Paris ça nous ramène du monde.
Proposer une offre atypique : cuisine de bistrot et pâtisserie
On savait la cuisine qu'on voulait faire, on n'allait pas faire des pizzas ou des crêpes : on voulait une belle carte des vins, la pâtisserie de qualité. La pâtisserie se porte à merveille dans le sens où on a un passage incroyable dans la rue, qu'on voit au salon de thé le week-end, et qu'on n'aurait pas si on était dans une rue paumée dans le 5ème ou dans le 9ème.
En revanche, les gens ne lisaient pas forcément 'Bistrot et Pâtisserie", même si on voyait que ce n'était pas une pâtisserie classique. Au bout de 4 ans, on donc refait la décoration et modifié la position de la vitrine, qui mettait en avant les pâtisseries car les gens pensaient que ce n'était que les gâteaux. Donc on a inversé le bar et la vitrine de pâtisserie, et depuis qu'on a fait ça on a une augmentation globale du chiffre d'affaires. Ça nous a bien rajoutés sur la restauration, et c'est plus clair pour les clients.
Même après 8 ans on se remet en question constamment : par exemple, le brunch en buffet, ça fait 2 ans qu'on l'a lancé. Le déjeuner était toujours irrégulier sur les samedis d'hiver comparé à l'été, et puis on savait que personne ne faisait brunch en buffet dans la rue. Aujourd'hui on a nos 50 places pour le brunch et ça marche très bien, on redynamise le midi sur le week-end, on peut servir sur nos deux services pour 60 couverts le samedi et 120 le dimanche par exemple.
Une carte en constante évolution, au fil des saisons et des offres de producteurs..."
À l'ouverture, on proposait un menu entrée plat dessert au choix, on s'est rendu compte que ça s'essoufflait : maintenant on a une carte fixe et une carte à l'ardoise, avec les produits de saison du marché qu'on travaille différemment" Patrick explique à cet effet : "J'ai des fournisseurs de viande d'Haute-Loire et de l'Aubrac pour des pièces de viande très spécifiques. Après je travaille dans le quartier avec la boucherie Tribolet, qui est une boulangerie de famille, un boucher de quartier et donc pratique pour dépanner en côté de bœuf ou faux-filet. Autrement j'ai du canard du sud-ouest, du cochon du cantal, saint-jacques en direct de la baie de seine qui me livrent en direct..
"On fait travailler pas mal de producteurs en direct. Comme le foie gras c'est compliqué cette année il n'y en a pas, la production a diminué, les industriels gardent beaucoup pour les conserves. Moi j'achète des canards gras entiers pour les retravailler, ce qui baisse le coût mais il faut retravailler le canard entier ensuite."
Une clientèle de fidèles
Ce qui marche pour nous c'est le bouche-à-oreille. Les critiques culinaires ne comprennent pas la double offre cuisine et pâtisserie, ou nous disent que ça fait trop longtemps qu'on était installés - ils viennent si y a une ouverture ou un grand changement - ici ils ne savaient pas de quoi ils allaient parler, cuisine ou pâtisserie.
On a fait un guide culinaire, les autres guides nationaux on les envoie balader, car ils nous demandent tous les ans si on veut payer. On n'aime pas ça, on leur demande "aux étoilés vous ne faites pas payer pourtant vous les mettez !" Ça ne sert a rien selon nous ces guides papiers, on nourrit plus de gens que les étoilés, on a des produits aussi nobles que les étoilés, on fait moins cher moins de standing mais on a au moins autant de clientèle.
Notre communication est simple : maintenant on a une personne qui s'en occupe qui met en avant le brunch, la cuisine, les pâtisseries.. Ça fait 8 ans qu'on est ici on est rentrés dans une activité constante.
Rencontre avec les journalistes de Sortir à Paris
Vos journalistes se sont rendus au restaurant les Artizans à plusieurs reprises ces dernières années, pour découvrir le concept dans un premier temps, puis le brunch, et les pâtisseries en particulier réalisées par le chef Mathieu Mandar : les choux Bulliz.
"Les articles de Sortir à Paris sur le brunch, la pâtisserie : ça fait des retombées ! Ces articles nous ont aidés pour lancer le brunch et les bûches : par exemple si 15 nouveaux clients nous découvrent via ce biais un jour, ils goûteront et vont en parler autour d'eux toute l'année. C'est rare qu'on ait des clients qui nous disent comment ils nous connaissent, à part après un article de Sortir à Paris.
D'autant que Sortir à Paris est quasiment le seul média qui ne m'a pas demandé de payer pour être publié".
Les Artizans, en développement
"On a bien entendu des objectifs pour aller chercher plus loin, mais on est soulagés d'avoir un rythme de croisière avec une belle équipe, menée par Anaïs, directrice de salle (ndlr. également sœur de Mathieu Mandar, en photo en tête d'article)." "Pour le moment on est bien ici, on a après notre autre projes."
Patrick monte des gîtes dans sa maison familiale dans les Pyrénées, à côté de Font Romeu, à la frontière. Mais il aime aussi bien s'oxygéner qu'être aussi au restaurant. Mathieu a son propre concept de pâte à choux, Bulliz', avec une boutique rue d'Hauteville et une rue Richerand. Tout est produit ici, aux Artizans, alors son but est de délocaliser la production et de le vendre ailleurs, en 2024.
Un message à faire passer aux Parisiens d'un jour et de toujours ?
"On sera là, même pendant les JO, au mois de juillet ou août ça ne changera rien, on va ouvrir sans augmenter les prix pour autant. On comprend les réflexions sur les prix mais les gens ne se rendent pas compte : ils voient sur leurs propres courses. Personne n'a les mêmes prix qu'il y a deux ans, donc les restaurateurs doivent aussi répercuter sur les prix sinon on ne peut plus continuer."
"Pour l'organisation des J.O il y a beaucoup d'adaptations qui nous sont demandées, on réfléchit différemment, on trouve des solutions mais c'est un vrai souci. Par exemple, les livraisons sont décalées à la nuit : pour toutes les livraisons la nuit (de 22h à 7h du mat) il faut s'organiser. Donc on a plus de contraintes que d'avantages qu'on n'arrive pas à chiffrer aujourd'hui, mais on est pas encore sûrs de faire le chiffre d'affaires normal."
Soutien de la ville de Paris
"De belles et nouvelles enseignes ouvrent dans le quartier, le niveau commerçant est top : mais on a besoin d'une vraie coopération de la mairie des deux arrondissements ; le dimanche c'est la plus grosse journée pour les commerçants et paradoxalement, c'est la journée où il y a le plus de voitures, la rue n'est pas nettoyée au bon moment : il manque une synergie, on demande de la tolérance surtout aux beaux jours - on se demande ou est le soutien aux commerçants parfois. L'entrepreneuriat dans Paris, c'est gratifiant mais il faut continuer à donner envie aux générations qui arrivent de s'installer !"
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