Le mardi 22 août 1911, la Joconde est dérobée au Musée du Louvre au nez et à la barbe de tous. Au petit matin, le peintre Louis Béroud se rend au Salon Carré du Louvre en compagnie du graveur Frédéric Laguillermie. Les deux artistes, des habitués des lieux, projettent de croquer, comme à leur habitude, un tableau exposé dans l'enceinte du musée.
Leur choix se porte sur la Joconde de Léonard de Vinci. Mais une fois arrivés devant l'emplacement qui abrite habituellement l'Italienne, les deux amis doivent bien se rendre à l'évidence : Mona Lisa a disparu ! Avertis, les gardiens interrogés supposent, dans un premier temps, que l'œuvre a été déplacée par les conservateurs et se trouve dans l'atelier de reproduction photographique de la Braun & Cie, au sein même du Louvre. Mais le tableau n'y est pas.
Alertée, la Sûreté parisienne arrive sur place en début d'après-midi. Près de 60 inspecteurs sont mandatés, dirigés par le commissaire divisionnaire Octave Hamard, pour enquêter sur cette incroyable disparition. Les empreintes digitales de 257 employés du musée sont relevées afin de les comparer à celle retrouvée par le criminologue et père du premier laboratoire de la police d'identification criminelle, Alphonse Bertillon, sur le cadre et la vitre du tableau découverts dans le petit escalier menant à la cour Visconti. Sans résultat.
Tandis que l'enquête piétine, l'opinion publique s'emballe, incriminant tour à tour la mauvaise gestion du musée du Louvre, l'inattention des gardiens, l'indifférence des pouvoirs publics. Théophile Homolle, le directeur du Louvre, est forcé de démissionner, tandis que le juge d'instruction chargé de l'affaire, Joseph-Marie Drioux, dirige son courroux vers tout un chacun au point de soupçonner et d'emprisonner à la prison de la Santé, du 7 au 11 septembre, Guillaume Apollinaire.
Le poète a, en effet, déjà été mis en cause dans le vol de trois statuettes phéniciennes au Louvre en 1907 et 1911 par son secrétaire particulier et ami Géry Pieret, qui en avait ensuite revendu une à Apollinaire et deux à Picasso. Ce dernier, qui affirmera par la suite n'avoir rien su de la provenance frauduleuse de ces statuettes qui lui ont inspiré Les Demoiselles d'Avignon, est lui-même soupçonné de complicité dans le vol de la Joconde avant d'être blanchi, à l'instar d'Apollinaire.
Durant deux ans, la presse française et internationale se passionnent pour l'enquête policière et spéculent sur le mobile du vol. La Société des Amis du Louvre offre une récompense de 25000 francs à quiconque rapportera le chef d’œuvre. Même chose pour la revue L'Illustration qui en propose le double, 50000 francs, à toute personne ramenant le célèbre tableau dans ses locaux. Rien n'y fait ; après 28 mois d'investigation, la Joconde n'est toujours pas retrouvée.
Pourtant, depuis le forfait, Mona Lisa se trouve à Paris, cachée dans un appartement de la rue de l'Hôpital Saint-Louis, dans le quartier populaire du 10e arrondissement de la capitale.
Le 10 décembre 1913, le voleur se manifeste en Italie : il tente de revendre le tableau à un antiquaire florentin, Alfredo Geri, sous le nom de Leonardi, moyennant 500 000 lires. Authentifiant le tableau comme étant bel et bien celui recherché aux quatre coins du monde depuis 2 ans, Alfredo Geri et Giovanni Poggi, le directeur du musée des Offices, alertent les carabiniers qui arrêtent le bandit dans son hôtel de Florence.
Le voleur, Vincenzo Peruggia, est un ouvrier vitrier italien qui a travaillé au musée du Louvre. Connaissant parfaitement les lieux, il a attendu, le 21 août 1911 au soir, la fermeture du musée pour dissimuler la toile de maître sous sa blouse blanche d'employé. Interrogé par la police dès les premiers jours de l'enquête, il avait imaginé un alibi accepté par les inspecteurs de la Sûreté. Concernant les raisons de son larcin, il confesse avoir dérobé la Joconde par patriotisme, pour la restituer à l'Italie.
"Souvent, pendant que je travaillais au Louvre, je m'arrêtais devant la peinture de Vinci, et j'étais humilié de la voir ainsi en terre étrangère. La subtiliser fut très simple. Je n'avais qu'à choisir le moment opportun. Un matin, j'ai rejoint mes camarades décorateurs au Louvre, j'ai échangé quelques mots avec eux, puis je suis entré dans le salon où la peinture était accrochée. Il était désert. La peinture souriait devant moi. En un instant, je l'avais décrochée du mur. J'ai déposé le cadre dans l'escalier et glissé le panneau sous ma blouse. Tout s'est fait en quelques secondes. Personne ne m'a vu, personne ne m'a suspecté." déclare-t'il dans sa première déposition.
Une ligne de défense qu'il tient durant tout son procès qui se déroule en Italie, l'accusé n'ayant pas été extradé. Soutenu par de nombreux Italiens, le tribunal, sous le charme de son patriotisme, le condamne a seulement un an et quinze jours de prison, une peine réduite par la suite à sept mois. Après une tournée victorieuse en Italie, la Joconde retrouve, quant à elle, le chemin du Musée du Louvre le 4 janvier 1914 et y est, depuis, exposée sous étroite surveillance.
Si l'envie vous prend de (re)voir le mystérieux sourire de Mona Lisa, celle-ci se trouve dans la salle des Etats, au premier étage de l'aile Denon du Musée du Louvre. L'occasion également de découvrir les expositions du moment : Paris-Athènes, Pharaon des deux terres et En Scène!.
Lieu
Musée du Louvre
musée du louvre
75001 Paris 1
Accès
Métro Palais Royal - Musée du Louvre