Le vendredi 23 septembre 1870, le premier ballon monté franchit les lignes allemandes, durant le Siège de Paris. Baptisé Le Neptune, ce premier ballon à gaz, qui sera suivi par 65 autres ballons-poste jusqu'au 28 janvier 1871, transporte à son bord 125 kilos de dépêches officielles, de journaux et de lettres jusqu'au Château de Cracouville, près Évreux. C'est le début de la Poste aérienne.
Voilà trois jours que Paris est sous le joug des Allemands. Après le renversement de la reine Isabelle II d’Espagne au cours de La Gloriosa, la révolution populaire espagnole de 1868, le prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen, cousin du roi de Prusse, est pressenti pour remplacer la souveraine exilée en France, malgré l'opposition de Napoléon III. Aussi, le 19 juillet 1870, la France déclare-t'elle la guerre à la Prusse.
Mais les armées françaises, fortes de seulement 300 000 hommes, ne sont pas préparées à de tels affrontements et essuient déroute sur déroute avec, en guise d'acmé, la défaite, le 2 septembre 1870, des troupes françaises à Sedan face aux troupes prussiennes et leurs alliés, et la capture de Napoléon III.
Deux jours plus tard, la IIIe République est proclamée à Paris par Léon Gambetta et un Gouvernement de la Défense nationale est constitué dans la précipitation, mais la situation ne s'arrange pas en France et les troupes ennemies continuent leur progression rapide au nord de la Loire, vers la capitale, sans rencontrer de grande opposition.
Dès le 17 septembre 1870, Paris est encerclée par les Allemands et assiégée le 19 septembre ; c'est le début du Siège de Paris. Les communications avec le reste du territoire national sont coupées, et le gouvernement doit rapidement concevoir un moyen d'acheminer le courrier civil et militaire hors de la capitale. La solution est toute trouvée : à défaut de pouvoir passer par les terres, les courriers seront envoyés par la voie des airs.
Aérostier expérimenté et ingénieur français, Claude Jules Dufour dit Duruof est chargé par Germain Rampont, directeur général des Postes, d'imaginer des ballons destinés à la poste aérienne, avec le concours du photographe parisien et ingénieur Félix Tournachon dit Nadar, fondateur de la Compagnie des Aérostiers militaires, qui, pris de passion pour les ballons, fabrique déjà depuis le début du conflit des ballons captifs, retenus au sol par un câble, afin d'opérer des taches d'observation des lignes ennemies et de réglage de tirs.
Le 19 septembre 1870, Léon Gambetta, devenu ministre de l'Intérieur, ordonne, par une convention, la construction de trois aéronefs dans la gare d'Austerlitz et la gare du Nord, réquisitionnées pour l'occasion, marquant ainsi le début de l'industrie aéronautique. Mais pour le premier vol, il est décidé qu'un ballon déjà existant et disponible dans Paris sera utilisé. Le choix se porte sur le ballon Le Neptune de Nadar qui a déjà effectué une dizaine de vols d'observation les jours précédents.
Le vendredi 23 septembre 1870 à 8 heures du matin, Le Neptune, qui a été regonflé dans la nuit à partir d'une conduite de gaz servant à éclairer les réverbères, décolle de la place Saint-Pierre sous les yeux des élus du Gouvernement de la Défense nationale et de la foule amassée au pied de la butte Montmartre, après que Nadar eut crié "Lâchez tout !" aux soldats tenant les cordes. Chargé de 125 kg de lettres et dépêches destinées aux membres du gouvernement repliés à Tours, le ballon est piloté par Duruof, seul à bord, qui connait bien l'engin puisqu'il en a été le premier propriétaire.
Le Neptune franchit les lignes ennemies au-dessus de Versailles et se dirige vers le Havre, l'armée allemande n'ayant pas encore atteint la Normandie. L'aéronef effectue un vol de 104 kilomètres sans encombre avant de se poser, après 3h15 passées dans les airs, dans le parc du Château de Cracouville, près Évreux en Normandie. Il s'agit du tout premier vol dans l'histoire mondiale de l'aéropostale. En apprenant ce voyage, Otto von Bismarck se serait écrié "Ce n'est pas loyal !".
Par la suite, 65 aéronefs quitteront Paris, jusqu'à la fin du Siège de Paris et la signature de l'armistice, le 28 janvier 1871, transportant à leur bord plus d'une centaine de passagers et entre 2,5 et 3 millions de lettres officielles et privées, de plis et autres dépêches jusqu'à divers points au-delà du Bassin parisien, hors de portée des canons prussiens. Gonflés avec du gaz d'éclairage hautement inflammable, les ballons s'envolaient en effet de jour comme de nuit, essuyant les tirs des troupes ennemies.
Pour les diriger, le gouvernement recrute des gymnastes et des marins volontaires, faute d'aéronautes disponibles. Formés au sol aux rudiments de l'aérostation, ils s'envolent à bord des aéronefs sans grande expérience. Gambetta lui-même décolle à bord du ballon Barbès, le 7 octobre 1870, afin de rejoindre la Délégation du gouvernement provisoire à Tours pour organiser la défense du pays. Fort heureusement, au fil des mois, les ballons montés démontrent leur fiabilité avec seulement trois échecs en plus de 60 vols.
Pour autant, les voyages ne sont pas aisés, soumis à la direction et à la force du vent. L'aérostat Le Duquesne atterrit ainsi en zone occupée, le Ville de Paris se pose en Allemagne, Le Jacquart sombre dans les eaux au sud de l'Angleterre et Le Daguerre est mitraillé par les Prussiens, ses deux passagers étant faits prisonniers. Mais le record est détenu par le ballon Ville d'Orléans qui parcourt 1246 kilomètres pour finalement atterrir en Norvège !
En souvenir de ces succès aériens, le Ballon des Ternes, œuvre du sculpteur Frédéric-Auguste Bartholdi représentant la Ville de Paris, sur les genoux de laquelle repose un enfant tendant les mains vers un pigeon lui apportant des nouvelles du pays et surmontée d'un imposant ballon de cuivre, fut érigé en 1906 à la Porte des Ternes, point de départ de nombreux vols de ballons montés. Le monument fut fondu par les Allemands lors de la Seconde Guerre mondiale.
Pour en savoir plus :
Si vous aussi, vous avez envie de voir Paris d'en-haut et vous prendre pour un aérostier, grimpez dans le Ballon de Paris, situé dans le parc André-Citroën dans le 15e arrondissement. La vue est à couper le souffle !
Lieu
Place Saint-Pierre
Pl. Saint-Pierre
75018 Paris 18
Plus d'informations
Iconographies :
Départ du ballon Le Neptune, place Saint-Pierre-de-Montmartre