Le mercredi 28 septembre 1921, un incendie se déclare dans le second bâtiment des Grands Magasins du Printemps, sur le boulevard Haussmann, dans le 9e arrondissement de la capitale. Rapidement, les flammes ravagent une partie de l'intérieur et la toiture finit par s'effondrer malgré l'intervention de nombreux pompiers. Fort heureusement, la somptueuse façade résiste au désastre.
Erigé par Jules Jaluzot, un ancien employé du Bon Marché Rive Gauche, le premier magasin du Printemps ouvre ses portes en 1865 à l'angle de la rue du Havre, de la rue de Provence, de la rue de Caumartin et du boulevard Haussmann. Mais l'histoire de ce premier édifice est de courte durée puisqu'un premier incendie le détruit intégralement en 1881. Il est alors décidé de faire reconstruire le grand magasin par l'architecte Paul Sédille avec un luxe et une somptuosité encore jamais égalés dans la capitale.
A l'extérieur, la façade de la rue du Havre est conservée, de grandioses statues représentant les quatre saisons, œuvres du sculpteur Henri Chapu, sont installées au-dessus de chaque arcade à l’entrée du lieu, tandis que quatre imposantes rotondes dorées sont construites à chaque angle de l'édifice sur lesquelles est gravé le nom du grand magasin, agrémenté de motifs floraux.
A l'intérieur, sous la carapace de pierre, l'architecte Paul Sédille, inspiré par les constructions de Gustave Eiffel, imagine une immense carcasse de fer et une majestueuse verrière, qui disparaîtra par la suite lors de la surélévation du magasin, afin de baigner de lumière naturelle les galeries ouvertes.
Comble de la modernité, du fait du traumatisme causé par le premier incendie, le Printemps, qualifié par Zola de "cathédrale du commerce", est le premier magasin parisien à être entièrement éclairé à l'électricité dès 1883, une usine électrique étant installée en contrebas pour lui fournir l'énergie nécessaire.
Entre 1907 et 1910, face au succès rencontré par Le Printemps qui devient rapidement un lieu phare pour les Parisiens en goguette, un second bâtiment est construit juste à côté du premier par l'architecte René Binet. Reprenant le style architectural et les motifs du premier Printemps, l'architecte rajoute encore de l'apparat dans un style Art Nouveau, ornant les rotondes de statues du sculpteur Anatole Guillot et réalisant, afin d'éclairer le hall central de forme octogonale, une double coupole.
En 1912, le second magasin est agrandi sur la rue Charras par l'architecte Georges Wybo qui crée un second hall d'entrée. Mais le développement continu de ces grands magasins prend un coup de plomb dans l'aile le 28 septembre 1921, au matin.
Il est encore tôt, ce matin du 28 septembre 1921, lorsqu'une rumeur se répand comme une trainée de poudre dans la capitale : les Nouveaux Magasins du Printemps seraient en proie aux flammes. Rapidement, le feu ravage l'intérieur du grand magasin, malgré l'intervention de nombreux pompiers envoyés sur place depuis toutes les casernes parisiennes. Sans relâche, les soldats du feu se relaient pour tenter d'endiguer l'incendie qui s'est déclaré dans l'annexe en construction.
Mais rien n'y fait : les dégâts sont considérables, et le bâtiment construit par Binet et Wybo est en partie ravagé par les flammes. La toiture s'effondre dans la partie centrale du bâtiment entraînant dans sa chute les escaliers et une partie des planchers entre les étages et au rez-de-chaussée. Les mannequins en cire fondent sur leurs présentoirs.
Heureusement, tout le personnel, fort de 3000 personnes, n'est pas encore arrivé sur place alors que se déclenche l'incendie ; seuls quelques garçons de magasin et livreurs sont présents, ainsi qu'une trentaine de veilleurs de nuit et pompiers civils, de garde. La façade, par miracle, résiste quant à elle au terrible évènement sous les yeux mi-ébahis, mi-angoissés des badaud amassés sur le boulevard et empêchés de trop approcher du brasier par la Garde Civile.
Dès le lendemain, l'incendie du Printemps fait la Une des journaux. "L’incendie atteignit sa plus grande violence vers onze heures du matin. C’est seulement vers seize heures que l’on pu découvrir le spectacle de désolation. Il ne restait que les quatre murs avec, au milieu, l’escalier dont le bas s’était affaissé mais dont les paliers avaient tenus et restaient suspendus au milieu du vide." écrit Le Petit Parisien.
Mais à l'époque, point de chômage technique ni d'enquête, et dès le 29 septembre 1921, le Printemps rouvre ses portes au public, la direction indiquant dans un communiqué : "Les réserves de marchandises, les ateliers, les services sont indemnes en totalité et permettent la reconstitution des rayons, les ventes reprennent dès le vendredi 30 septembre. Les services d'expédition de Paris et de province continuent de fonctionner et d'assurer les expéditions et cela dès le 29 au soir."
"En moins de 48h les rayons ont été réorganisés, regroupés : deux étages des anciens magasins, jusqu’alors occupés par des services, seront affectés à la vente ainsi qu’une partie de l’annexe de la rue de Provence. Les services de livraison et d’expédition n’ont pas été interrompus. Les réserves de marchandise sont intactes et permettent de satisfaire toutes les commandes." soulignent les quotidiens de l'époque.
Par la suite, le Printemps sera reconstruit, sur le même plan, entre 1921 et 1924 par Georges Wybo. Une grande rotonde à colonnes géminées est construite à l'angle du boulevard Haussmann et de la rue Charras, tandis qu'à l'intérieur, la coupole de René Binet et sa verrière polychrome et fleurie, œuvre du maître-verrier Brière, a miraculeusement résisté aux flammes et suscite, encore aujourd'hui, l'admiration des Parisiens et des touristes de passage.
Pour en savoir plus :
Lieu
Le Printemps Haussmann
64, bd Haussmann
75009 Paris 9
Plus d'informations
Iconographies :
Incendie du Printemps le 28 septembre 1921, Agence Meurisse, Gallica