Dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534, des placards huguenots critiquant violemment la messe catholique sont affichés dans plusieurs villes de France, dont Paris. L'Affaire des Placards marque le début de la persécution des protestants sous le règne de François Ier et laisse présager les nombreuses guerres de Religion à venir.
Dès le début de son règne, le 25 janvier 1515, le roi François Ier n'accorde que peu d'importance aux embrouillaminis entre catholiques et protestants qui agitent le pays et semble neutre vis-à-vis de la Réforme qui marque la scission entre l'Église catholique romaine et les Églises protestantes, faisant preuve d'une certaine ouverture d'esprit et n'hésitant pas à nouer des alliances avec les protestants d'Allemagne et de Suisse.
Amorcée au 16e siècle, la Réforme protestante s'attaque, dans un premier temps, uniquement aux mœurs du clergé ; et à la cour de Marguerite de Navarre, la sœur du roi, ces nouvelles idées trouvent une résonance sans que le roi ne s'en inquiète, ce dernier allant jusqu'à protéger contre le clergé les premiers protestants de France. Mais entre 1527 et 1534, les opinions huguenotes prennent un autre tournant.
Dans la nuit du jeudi 18 octobre 1534, des lieux publics de Paris et de plusieurs villes de province, comme Rouen et Tours, sont clandestinement recouverts, par des protestants français, d'affiches - alors appelées placards - à visée anti-catholique, à la vue de tous. Un placard est même affiché sur la porte de la chambre du roi au château de Blois, tandis que les résidences de la cour à Orléans et Amboise sont, elles-aussi, copieusement tapissées de placards.
Critiquant violemment la messe catholique, les auteurs de ces pamphlets injurieux nient avec verve la doctrine de la transsubstantiation lors de l'Eucharistie, soit la transformation du pain et du vin en sang et corps de Jésus pendant la messe, l'un des piliers de la religion catholique. Les placards titrent ainsi : "Articles véritables sur les horribles, grands et insupportables abus de la messe papale inventée directement contre la Sainte Cène de notre Seigneur seul médiateur et sauveur Jésus Christ."
Taxant les rites de la messe de sorcellerie et accusant le pape, les évêques, les prêtres et les moines de mensonge et de blasphème, les placards sont l'œuvre d'Antoine Marcourt, pasteur français d’inspiration calviniste exilé à Neuchâtel en Suisse où il les a faits imprimer. L'Affaire des Placards marque la première manifestation des hostilités entre catholiques et protestants en France.
Pour François Ier, cet affront antipapiste qui porte atteinte à l'institution ecclésiastique et à la monarchie de droit divin marque la fin de sa politique de conciliation envers les protestants et partisans de la Réforme. La réaction du roi face à ce crime de lèse-majesté qui menace son autorité est rapide et brutale : souhaitant préserver le royaume de l'hérésie, il déclenche une répression radicale contre les "malsentants de la foi", non sans avoir confessé publiquement sa foi catholique.
De nombreux huguenots, suspectés d'être à l'origine des placards, sont arrêtés, emprisonnés, jugés et exécutés pour certains, tandis que d'autres fuient rapidement Paris et la France, alors même que le roi promet 200 écus à quiconque dénoncera les auteurs des placards. Entre deux et trois cents personnes sont arrêtées, et plusieurs sont brûlées vives, parmi lesquelles Antoine Augereau, accusé d'avoir imprimé les placards, ou encore Étienne de La Forge, ami du juriste et réformateur Jean Calvin - ce dernier ayant été contraint de s'exiler à Bâle pour échapper aux représailles.
Plusieurs personnes de l'entourage du roi et particulièrement sa sœur, Marguerite de Navarre, acquise aux idées des réformateurs et protectrice de Jean Calvin, sont soupçonnées. La répression continue en janvier 1535 avec la création, à la demande de François Ier, d'une commission spéciale, la chambre ardente, ayant pour mission d'interdire les livres insurrectionnels, tandis qu'un édit interdit l'imprimerie et ferme les librairies, marquant le premier acte de censure depuis l'invention de l'imprimerie. Le 21 janvier 1535, une grande procession expiatoire publique, organisée dans les rues de Paris par l’Église catholique et à laquelle assiste le souverain, se termine par la mise à mort sur le bûcher de six hérétiques.
Durant les vingt-cinq années qui suivent, de nombreux actes de violence à l'encontre des protestants seront commis, bien que la mort de François Ier, le 31 mars 1547, offre un court répit face à l'intolérance. Mais dès 1562, la France entre dans la période sanglante des guerres de Religion.
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Iconographies :
En-tête : Exemplaire subsistant des placards incriminés, conservé à la BNF.
Persécution des protestants durant le règne de François Ier, en 1534. Gravure sur cuivre de Matthäus Merian l’Ancien.
Anne du Bourg, conseiller du Parlement de Paris bruslé a S. Ian en Greue le 21. Decembre 1559.