Dans le Paris de la Belle Époque, ils étaient trois cabarets à thème installés sur le boulevard du Clichy. Il y avait le cabaret du Néant et son ambiance macabre, le cabaret du Ciel et le cabaret de l’Enfer. Et ce dernier est certainement celui qui attira le plus de curieux et marqua profondément l’esprit du 18e arrondissement de Paris.
C’est en 1892 qu’un certain Antonin Alexander ouvre son cabaret de l’Enfer sur le boulevard du Clichy, au N°34, plus exactement. Trois ans plus tard, le lien change d’adresse et s’installe au N°53 du même boulevard pour y rester pendant plusieurs décennies.
Jumelé avec le cabaret du Ciel, également ouvert par Antonin Alexander et surnommé le cabaret du Paradis, le cabaret de l’Enfer ne laissait personne indifférent. Il faut dire que l’adresse savait comment attirer tous les regards. Il y avait tout d’abord cette impressionnante porte en forme de gueule ouverte d'un démon. Une fois à l’intérieur, les clients étaient alors plongés dans une espèce de grotte avec sculptures de damnés suspendues sur les parois et la voûte et marmite géante. Pour que l’illusion soit parfaite, le maître des lieux prenait les commandes déguisé en petit diable. Les spectacles étaient aussi au menu, avec notamment des « attractions diaboliques » et le « supplice des damnés », comme l’attestent certains documents disponibles sur Internet.
A la Belle Époque, ils sont ainsi plusieurs artistes du surréalisme à pousser les portes du cabaret de l’Enfer, parmi lesquels André Breton. Son atelier étant situé au quatrième étage du bâtiment, juste au-dessus du cabaret.
Bien que le cabaret de l’Enfer ait indéniablement rythmé la vie nocturne de la Belle Époque à Paris, le lieu a malheureusement dû faire face à des difficultés financières après la Libération de Paris. En 1950, le cabaret de l’Enfer ainsi que le cabaret du Ciel sont alors rachetés par Monoprix, situé juste à côté. Souhaitant s’agrandir, l’enseigne décide d’abattre les murs de ces deux adresses et de mettre fin à l'histoire de ces deux mythiques cabarets parisiens.
Si aucune trace n’indique l’existence du cabaret de l’Enfer dans le 18e arrondissement, Monoprix occupe encore à ce jour toute la longueur du rez-de-chaussée de l’ancien cabaret, entre le numéro 51 du boulevard de Clichy et l’angle avec la rue Pierre-Fontaine.
Pour les plus curieux, sachez que des images du cabaret ont été immortalisées par Eugène Atget. Ces photos sont disponibles dans Gallica, la fameuse bibliothèque numérique de la BnF et de ses partenaires.
Par ailleurs, le Centre Pompidou consacre une exposition au surréalisme du 4 septembre 2024 au 13 janvier 2025. On peut notamment y admirer une reconstitution de la fameuse « porte de l’enfer » !