Le mardi 22 octobre 1895, un accident ferroviaire spectaculaire a lieu à la gare Montparnasse, alors encore appelée gare de l'Ouest. Lancé à 40km/h, le train Paris-Granville, rempli de voyageurs, ne marque pas l'arrêt au terminus et continue sa course à vive allure, défonçant la façade du bâtiment avant de terminer sa course sur la place de Rennes, en contrebas.
De nos jours encore, cet évènement reste l'un des accidents les plus sensationnels et les plus célèbres de l'histoire des chemins de fer français, notamment grâce aux différentes photographies capturées peu de temps après l'incident et largement relayées dans la presse française et internationale. La catastrophe ne provoque, fort heureusement, qu'un seul décès malgré les nombreux dégâts matériels.
Initialement construite par la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest, la Gare Montparnasse, anciennement appelée gare de l'Ouest, accueille depuis le milieu du 19e siècle le départ et le terminus de nombreuses lignes de l'Ouest, vers Versailles-Rive-Gauche, Granville, Le Mans, ou encore Nantes, Saumur, Niort et Bordeaux. A cette époque et jusqu'en 1970, la gare est située sur la place du 18 juin 1940, anciennement place de Rennes, à l’emplacement du centre commercial juxtaposant la tour de nos jours.
Une fois entrés dans Paris par les communes limitrophes de Vanves et de Malakoff, les trains accèdent à la gare de l'Ouest par un parcours coupant de nombreuses rues de la capitale, par des passages à niveau et se terminant, après franchissement en viaduc de l'avenue du Maine et du boulevard Edgar-Quinet, dans un hall à deux travées dont les six voies en cul-de-sac surplombent de neuf mètres le carrefour de la rue de Rennes et du boulevard du Montparnasse.
Mais voilà. Le mardi 22 octobre 1895, l'express n°56, parti de Granville à 8h45 en direction de la gare de l'Ouest, a du retard. Tracté par la locomotive de type 120 N°721 conduite par le mécanicien Guillaume Marie Pellerin et le chauffeur Victor Garnier, le Paris-Granville accuse déjà un retard de 7 minutes lors de son passage à Versailles-Chantiers.
Le convoi, qui se compose de dix voitures remplies de 131 voyageurs dont 3 députés, de trois wagons chargés de bagages et d'un wagon postal, doit à tout prix rattraper son retard afin d'arriver, comme prévu, à 15h55 à Paris-Montparnasse.
A son arrivée la gare Montparnasse, la locomotive a réussi à regagner deux minutes sur son retard, mais lancée à vive allure, elle ne parvient pas à s'arrêter à temps sur les quais. Malgré plusieurs tentatives désespérées du mécanicien de réduire la cadence en actionnant les freins, la machine pénètre dans le hall de la gare à une vitesse de 40 km/h sous l'œil effrayé des Parisiens. Le mécanicien et son chauffeur ont tout juste le temps de sauter du train en marche avant la collision.
Le 22 octobre 1895, peu après 16 heures, le train Paris-Granville pulvérise le butoir en bois, traverse le hall de la gare en labourant le béton du terre-plein, défonce la façade du bâtiment surmontée d'une verrière et termine sa course au bout de la terrasse de la gare. La vitesse du convoi fait basculer la locomotive dans le vide qui s'écrase dix mètres en contrebas sur la place de Rennes, détruisant dans sa chute une station de tramway et un kiosque-abri, tandis que le tender de l'engin reste en suspens dans les airs.
L'accident, qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques au vu de la fréquentation de la gare de l'Ouest, cause principalement des dégâts matériels. Les voyageurs à l'intérieur sont sonnés mais vivants, et seules cinq personnes sont plus ou moins grièvement blessées dont un pompier et les deux conducteurs de la machine infernale. On déplore tout de même le décès de Marie-Augustine Haiguillard, une mère de famille âgée de 39 ans et marchande de journaux installée à la station des tramway, tuée par la chute d'un morceau de maçonnerie détaché de la façade de la gare.
Les badauds, dont certains disposent d'appareils photo, affluent aux abords de la gare Montparnasse pour constater la catastrophe. Pour contenir la foule, vingt gardes municipaux à cheval et cent gardes à pied sont envoyés sur place, tandis que la locomotive reste quatre jours telle quelle en attendant d'être dégagée. Pour voir le spectacle de plus près, certains curieux vont même jusqu'à acheter un billet pour une destination abordable et ainsi pouvoir accéder aux quais bouclés par les forces de l'ordre.
Le 25 octobre, la machine est hissée grâce à un système de treuils et de vérins sur un chariot trainé par 25 chevaux et transportée aux usines Cail de Javel pour y être examinée par l'ingénieur des mines Lévy, expert désigné par le juge d'instruction. Le tender est, quant à lui, remonté dans la gare et remis sur les rails grâce à une locomotive le tirant depuis les quais.
Relayé par toute la presse française mais également internationale, l'évènement conduit à la condamnation à deux mois de prison et 50 francs d'amende du mécanicien Guillaume Marie Pellerin qui travaillait depuis 19 ans pour les chemins de fer, et 25 francs d'amende pour le chauffeur Victor Garnier, bien que ces derniers affirment que l'accident a été causé par une panne du frein à air type Westinghouse qui a cessé de fonctionner au passage à niveau de la rue du Château.
Pour en savoir plus :
Les coupures de presse de l'époque relatant l'évènement
Lieu
Gare Montparnasse
Place Raoul Dautry
75015 Paris 15
