C'est une promenade en quatre paysages que propose aux esthètes aventureux le chef Clément Vergeat dans son restaurant Tamara. Par delà les mers, les océans, les vignes et les champs, le jeune chef révélé en 2018 par Top Chef donne le tempo à des pérégrinations qui touchent au cœur et provoquent un torrent d'émotions de par la délicatesse des dressages et la tendresse apportée aux produits les plus simples.
Déjà lors de notre premier passage chez Tamara, peu après son ouverture, la finesse d'esprit et d'exécution de Clément Vergeat nous avait touché. Prônant depuis le départ le zéro déchet et une cuisine locale et saisonnière, le chef détaille les produits bruts, les travaille des pieds à la tête, de la tige aux feuilles, et s'amuse à outrance avec divers procédés, fermentation, fumage et salaison en tête.
Deux années plus tard, on se souvient encore de cet incroyable artichaut frit et tourteau, de ce chou-fleur pané à l'ail et paprika fumé, ou encore de ces tomates cerise fermentées durant 12 jours afin de révéler, à cœur, leurs arômes. Mais en deux ans, les choses ont grandi, évolué dans le bon sens, et on ne parvient toujours pas à comprendre que cette table si inventive, si créative, n'ait pas décroché une étoilé tombée du ciel ou des pages du célèbre guide rouge.
Qu'importe, finalement on est heureux de garder ce petit secret et de le partager uniquement avec les gourmets aux oreilles grandes ouvertes. Prometteuse, osée, cette table l'est encore plus depuis que le chef et son équipe se dévoilent à l'intérieur d'un menu dégustation en 9 services et 4 grands temps, du végétal au sucré, en passant par la mer et la terre. Et que l'épopée est belle.
On y savoure les premières asperges de saison, en chips soufflée, à l'intérieur d'un petit bouquet d'herbes fraiches accompagnées d'une mayonnaise à l'huître, ou en tartare sur une croustade de miel ; on se délecte ensuite d'une généreuse tranche de pain au levain qu'on badigeonne d'un beurre maison aux barbes de coquillages et couteaux. Et puis on prend la mer, en douceur, avec cette salade d'algues si joliment dressée, relevée de pomme granny smith, de pickles de graines de moutarde, de trévise amère et de feuilles de capucine telles des nénuphars, mouillées d'un fabuleux bouillon de couteaux.
On s'enfonce dans les profondeurs, à la rencontre de cette sardine, pomme de terre fermentée et oeufs de hareng fumés, avec là encore, un soin tout particulier apporté au jus, ici un jus de bouillabaisse, qu'on sauce d'un geste vif avec du pain à la bouillabaisse, réalisé à partir des parures séchées des poissons utilisés pour le bouillon. La truite, cuite à basse température, s'invite ensuite à notre table, et se pare de chlorophylle de livèche, d'oursin, de pointes de citron, de feuille d'huître et de salicorne.
Avant de rallier la terre ferme, on croque dans une tartelette au pesto d'ail des ours, petits pois frais et pickles de rhubarbe - on y pense encore. D'ailleurs, plus encore que la terre, c'est dans les airs que la suite se poursuit, avec un pigeon que l'on nous présente entier. Cette belle bête repart en cuisine et nous revient découpée et sans accompagnement. Ici, tout le plaisir repose sur la beauté de la viande, la cuisson idéale et les saveurs longues en bouche ; sublimées, là encore, par un jus de viande avec beaucoup de relief.
Les cieux, on y reste avec cette aérienne mousse nuageuse de lavande légèrement sucrée qui prépare le palais aux douceurs à venir. On termine ce voyage au pied d'un poirier, à croquer avec entrain dans une poire rôtie et brûlée, mariée à du miso et une glace à l'ail noir. Une note finale sans fioriture mais diablement sapide. On persiste et signe, Tamara fait partie des grandes tables parisiennes.
Tarifs
Menu en 9 services : 110€
Site officiel
restaurant-tamara.com
Lien(s) de Réservation
restaurant-tamara.com