La vie de Florence Kahn mériterait d'être adaptée en film. Mi-litwak, mi-polak (comprendre d’origine lituanienne par son père, polonaise par sa mère), la cheffe a su prendre ses marques, apprendre sur le tas et imposer son style dans un monde de la cuisine dominé par des hommes qui ne voyaient pas forcément d'un si bon œil, à l'époque, l'arrivée d'une femme aussi pugnace sur leurs platebandes.
Elevée dans le 20e arrondissement de Paris, c'est pourtant dans le Marais (le Pletzl pour les intimes) que Florence Kahn découvre et nourrit son amour pour la cuisine. Chez Finkelsztajn, l'incontournable pâtisserie-traiteur jaune du quartier ouverte en 1946, elle apprend le métier et les recettes traditionnelles héritées des ancêtres - tchoulent et autres linzertorte.
Tombée dans la marmite, c'est tout naturellement que Florence Kahn se précipite pour reprendre la boulangerie voisine, la fameuse boutique bleue de monsieur Perelman et sa magnifique mosaïque classée aux Monuments Historiques, que la cheffe rebaptise de son nom. C'était en 1988.
35 ans plus tard, l'institution juive ashkénaze de la rue des Ecouffes est toujours bien en place, ancrée dans le quartier. Le temps a passé mais celle-ci n'a pas pris une ride - sa patronne non plus. De la boulangerie originelle, Florence Kahn conserve l'amour du bon pain, mets emblématique de la tradition juive.
Ici, les hallot de Shabbat se déclinent au pavot, au sésame ou aux raisins, tout comme les bagels cuits à l'eau avant d'être passés au four, dans la plus pure tradition juive new-yorkaise. Le pain au cumin, véritable yiddish broyt, est confectionné selon la recette traditionnelle du shtetl, tandis que le pain Rogalik est agrémenté d’oignons rissolés, de cumin et de sésame.
Autant de pains et brioches que l'on retrouvait jusqu'alors sur les tables familiales, et autant de lits dodus pour accueillir les recettes de Florence, l'iconique (et absolument délicieux) sandwich au pastrami bien sûr, souligné d'oignons, de caviar d'aubergines, de poivrons et de ces fameux cornichons Malossol saumurés pendant des mois ; mais aussi le sandwich au foie haché qui a un sacré goût de reviens-y.
Au comptoir, le choix est rude. Plutôt pirojkis, beureks au fromage, boulettes de poisson, harengs saumurés et marinés ? Ou peut-être plutôt craquer pour un éventail des dips si bons (si bons !), en tête le tarama à l'aneth (le 'taramour' d'après la créatrice), le caviar d'aubergines fumé, et surtout cet inoubliable dip de foie haché, grand classique de la cuisine juive polonaise, qui mélange foies de volailles, œufs et oignons rissolés. Un must-taste.
La cuisine de Florence Kahn est une cuisine d'amour, une cuisine de couleurs, une cuisine de découvertes. Ce n'est pas pour rien si l'aura de Florence Kahn a dépassé les frontières du Marais et les frontières de la France : la boutique-traiteur est un lieu de rencontre fédérateur, lien social et culturel entre les générations, les nationalités, les envies.
Les desserts sont tous à goûter les yeux fermés : cheese-cake indécemment crémeux, version nature, citron, fruits rouges, pistache ou myrtilles ; coquin pavé au pavot ; babka démoniaque au chocolat ; sans oublier le mame strudel polonais et l'apfel strudel viennois aux pommes, noix, raisins, écorces d’orange et cannelle. Chez Florence Kahn, on vient assurément chercher un authentique bout de la culture et de la gastronomie ashkénazes.
Ce test a été réalisé dans le cadre d’une invitation professionnelle. Si votre expérience diffère de la nôtre, merci de le signaler dans les commentaires.
Lieu
Florence Kahn
24 Rue des Ecouffes
75004 Paris 4
Tarifs
Pains, à partir de : 2,6€
Produits salés, à partir de : 4,8€
Pâtisseries, la part à partir de : 4,9€
Sandwiches, à partir de : 10,9€
Site officiel
www.instagram.com