Tamara est mort, vive Tracé ! Ouvert en lieu et place de sa précédente adresse, Tracé signe le renouveau du chef Clément Vergeat, finalement déjà bien amorcé durant les trois années d'existence de Tamara. Car si son premier restaurant s'était ouvert en collaboration avec Andreea Barroca dans un esprit bistronomique (et selon certaines volontés de la propriétaire, comme le nom de l'établissement), Tamara avait rapidement frôlé d'autres cimes, celles de la grande gastronomie et de la créativité sans limite.
Un décalage entre le projet de départ et la tournure qu'ont finalement pris les évènements, que Clément Vergeat a voulu combler sans trop tarder, en réinventant totalement l'adresse du 15 rue Richelieu afin que celle-ci corresponde mieux à l'image que ce dernier se faisait du cadre et de la cuisine, tous deux tendant à être plus épurés encore, mais pas seulement.
Pour remonter aux origines du chef, il faut se remémorer son passage aux Bouquinistes et au restaurant triplement étoilé de la Monnaie de Paris, tous deux détenus par Guy Savoy ; sa rencontre avec le chef Toshitaka Omiya, qui deviendra son mentor, au sein d'Alliance ; sa prestation remarquée dans l'édition 2018 de Top Chef.
Fasciné par la cuisine nordique, Clément Vergeat pousse ensuite l'apprentissage à Copenhague, au sein de Kokkeriet, puis au Copenhague, sur les Champs-Elysées, avant de reprendre la route direction les Pays-Bas, au bord de la mer du Nord, dans le restaurant deux étoiles de Sergio Herman, Pure C.
De ces froides contrées, il revient avec une envie profonde et intarissable d'inventer de nouvelles choses, en toute liberté. Faisant fi des saisons, le chef conserve dès lors des aliments grâce à différentes techniques piochées ici et là - chose qu'il faisait déjà au sein de Tamara mais qu'il pousse encore un cran au dessus chez Tracé -, ces derniers se transformant grâce à la fermentation, la maturation, les techniques de pickles ou de garum. De quoi laisser place à toutes les surprises, bonnes comme moins bonnes.
"Le chef de Kokkeriet se tendait des pièges tout seul, il ne savait pas ce qu’il allait découvrir un ouvrant un bocal. Le fait d’avoir des ingrédients qui vivent leur vie, en parallèle de ce que je cuisine tous les jours, ça me rassure. Je redoute l’épuisement, la panne, la paresse, la routine de revenir sans cesse à ce que je sais faire, les vieux trucs de cuisinier. Savoir que des choses m’attendent quelque part, qu’elles seront là quand je chercherai une idée, des goûts, pour apporter du volume, du relief à un plat, c’est pour moi la vraie liberté." explique ce chef qui se dit lui-même en "quête perpétuelle de pureté", poursuivant : "Mon rêve est d’avoir une chambre froide pour tous les jours, avec les produits frais, et une chambre froide de bocaux, pour jouer sans savoir ce que ça va donner."
La vaisselle changée, la carte des vins affinée, le menu imaginé dans les grandes lignes, l'équipe briefée - portée avec douceur par le directeur de salle Félix Bogniard, rencontré au Copenhague -, voilà donc que s'ouvre Tracé, un nom qui trottait depuis une paire d'années dans l'esprit de Clément Vergeat et qui aurait même dû parer la façade de ce qui aurait dû être son premier restaurant à Montpellier si l'ouverture de Tarama à Paris n'en avait pas décidé autrement.
Conquis par deux fois par Tamara, notre Arlésienne devant l'Eternel, bien trop longtemps ignorée par le célèbre guide rouge à notre grand désespoir, nous voilà de retour à deux pas du Palais-Royal pour nous frotter à nouveau à l'un des chefs les plus excitants et les plus bouleversants de sa génération.
Alliant rigueur, grande technicité et vibrante sensibilité, Clément Vergeat et son équipe se prêtent au jeu d'une cuisine gastronomique qui atteint des sommets rarement rencontrés ces dernières années. La recherche d'épure de son identité culinaire et son sens du détail le font se concentrer sur autre chose, sans esbroufe mais avec tant d'émoi.
Quelques clins d'œil en souvenir de la précédente adresse - cette fleur, délicate prémisse de ce qui nous attend ; et puis, des nouveautés renversantes qui se découvrent à travers un menu dégustation en 8 services au diner (130€ habilement dépensés) complété, à l'envi, par des accords mets et breuvages - sans alcool, avec des kefir et kombucha maison ; avec des vins de petits producteurs ; ou avec des cuvées grisantes, sélectionnées pour leur singularité.
Notez que depuis la rentrée 2024, Tracé est également ouvert au déjeuner, du mardi au vendredi. Comptez 65€ le menu en 3 services (110€ avec accords vins, 94€ avec accords sans alcool) et 95€ le menu en 5 services (155€ avec accords vins, 135€ avec accords sans alcool).
Et puisqu'une image vaut mieux que mille mots...
Knäckebröd, poutargue
Floraison 2.0 signature
Radis, graines de tournesol torréfiées, pétales de fleur de cosmos, caviar
Nid d'oeufs de truite et de hareng fumés
Sabayon
Tomate à la manière d'une tomate déshydratée
Vinaigrette tagète et feuilles de figuier
Artichaut, tourteau, olives de Kalamata
Emulsion de vin jaune
Bouillon de langoustines
Huile de poivre lampung
Queue de langoustine crue, montée en température dans une vapeur d'algues
Lard d'encornet, raisin de mer, crème d'huître
Turbot et moules
Pigeon cuit sur coffre, pousses de printemps préservé
Effiloché de cuisse confite
Tartelette groseilles, basilic
Fleurs des champs
Glace reine des prés, insert pollen
Un aboutissement et un goût de l'excellence, c'est certain. Qu'on se le dise, la voie semble enfin toute tracée vers une étoile plus que méritée. Et si ce n'est toujours pas le cas, on rend notre tablier.
Ce test a été réalisé dans le cadre d’une invitation professionnelle. Si votre expérience diffère de la nôtre, merci de le signaler dans les commentaires.
Lieu
Restaurant Tracé
15 Rue de Richelieu
75001 Paris 1
Site officiel
www.xn--restaurant-trac-pnb.com