Omar Dhiab, l'ancien chef du restaurant étoilé Loiseau Rive Gauche, s'est envolé du nid et a ouvert son propre restaurant, à quelques rues à vol d'oiseau de la très chic Place des Victoires. Egalement passé par les cuisines du Train Bleu, du Pavillon Ledoyen, de Lasserre et de L'Abeille au Shangri-La aux côtés du chef Christophe Moret, il se pourrait que cette nouvelle table gastronomique lui fasse à nouveau côtoyer les étoiles plus rapidement qu'il ne le pense.
Imposant comptoir de marbre et de bois donnant sur la cuisine où l'effervescence se joue, murs laqués de rouge à l'avant et patinés de clair dans la chaleureuse salle aux alcôves qui invitent aux discussions confidentielles, charmants ensembles d'un kaki profond pour les serveurs et les serveuses, le chef n'a rien laissé au hasard en faisant confiance au cabinet d'architectes Hauvette et Madani ; souci du détail et convivialité sont de mise.
C'est dans ces lieux aux inspirations Art Déco qu'Omar Dhiab défend une certaine idée de la gastronomie, contemporaine et végétale, mais qui ne renie pas pour autant la cuisine de son enfance et ses racines égyptiennes. Aussi loin qu'il s'en souvienne, la cuisine a toujours fait partie intégrante de la vie d'Omar Dhiab, des premières effluves émanant des bouillons de son père, lui-même cuisinier, aux belles pièces de viandes, agneaux et volailles en tête, partagés le dimanche entre membres de la famille.
Pour mettre à exécution cette cuisine généreuse et gourmande, le jeune chef s'est entouré d'une équipe de choix, derrière les fourneaux mais aussi derrière les beaux et bons produits livrés chaque jour au restaurant. Plaçant sa confiance dans les mains d'une vingtaine de producteurs triés sur le volet, Omar Dhiab pioche ainsi ses fruits et légumes cultivés dans la plus pure tradition paysanne dans les Yvelines et dans le Var, les volailles de Bresse sont élevées en plein air, et les produits de la mer, qui ont une part prépondérante dans sa cuisine, sortent tout juste de l'océan.
C'est à travers des menus dégustation au diner (98€ en 5 temps également proposé le midi, 128€ en 7 temps, 148€ en 9 temps), et un menu entrée/plat ou plat/dessert (39€) et entrée/plat/dessert (58€) au déjeuner, qu'Omar Dhiab se dévoile avec superbe. Accueillis par un verre de karkadé, une boisson traditionnelle égyptienne à base d’hibiscus, on se jette à corps perdu dans ce qui suit.
De l'enchanteur quatuor d'amuse-bouches (ce pressé de langue de bœuf en sucette !) à ce gâteau de semoule à la fleur d'oranger en guise de mignardise grande taille, véritable madeleine de Proust d'Omar Dhiab servi à même le plat tout juste sorti du four, en passant par cet épatant croque ris de veau à tremper avec parcimonie dans un condiment grenoblois qui réveillerait un mort, tout sonne juste, et dès la première bouchée, provoque en nous de vives et franches émotions.
D'une incroyable maturité et d'une rare modestie, Omar Dhiab fait fi de toutes les conventions, respectant à le perfection les cuissons et soignant ses dressages, pour finalement mieux exploser les contours de la grande cuisine gastronomique à travers des accords inattendus, des condiments qui apportent une dimension supérieure à l'assiette, des sauces à se damner.
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Pain croustillant de volaille, ail-moutarde
Tempura de feuilles de vignes, condiment pois chiche épicé
Tartelette fine à la seiche et pistou de graines de courges
Pressé de langue de bœuf en sucette
Daurade marinée, condiment poireaux et livèche
Kumquat, ail, gingembre, sarrasin torréfié
Huître juste pochée dans son jus, velouté de chou-fleur
Sommité de chou romanesco et chou violet, condiment brioche toastée
Croque ris de veau, cuit entre deux tranches de pain de mie
Condiment grenobloise caché sous la feuille
Saint-Pierre cuit de peur, ragoût de celtuce, chorizo de bœuf Wagyu
Aster maritime, sauce Albuféra émulsionnée au foie de lotte
Paleron de bœuf maturé cuit au barbecue japonais
Sardines fumées et sabayon de poivre vert et poivre noir
Siphon de pommes de terre, glace à la vanille
Granité au vinaigre de Xérès
Poire Williams rôtie au beurre et miel, sorbet poire,
Sablé maceron, lamelle de poire Comice, condiment de poire fermentée
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De quoi nous faire d'ores et déjà parier sur un macaron à 6 branches décerné par le guide Michelin, l'année prochaine.